AVANT PROPOS
Par Bruce Botnick
Je me suis toujours représenté les micros comme des couleurs sur une palette de peinture. Ces différentes
couleurs nous servent à révéler les sons enregistrés et nous aident à recréer toutes sortes de textures.
Les ingénieurs du son ont généralement des micros de prédilection, qu'ils affectionnent plus particulièrement
dans certaines situations. Lorsqu'il crée un champ sonore, l'ingénieur doit tenir compte des instruments utilisés,
des micros disponibles ; il doit ensuite faire appel à son expérience et à son imagination pour procéder aux
meilleurs choix. Cette projection, de ce que sera l'enregistrement, correspond en tous points à un exercice
d'improvisation. Avant de pouvoir imaginer une image sonore précise en trois dimensions, il est par conséquent
indispensable de connaître tous ses outils sur le bout des doigts.
Rappelez-vous les débuts de la Hi-Fi, le temps des 33 tours mono ; on pouvait entendre les bruits de respiration
des interprètes sur les enregistrements, l'attaque des cordes de l'archer sur le violon, les ongles du pianiste sur
les touches. Ces sons étaient parfaitement inaudibles sur les vieux 78 tours, car jusqu'en 1950, la majorité des
micros utilisés étaient des micros à ruban. Les enregistrements radio de l'époque ne se faisaient pratiquement
qu'avec des micros à rubans RCA 44 et 77 et avec un ou deux Telefunken U47. Les consoles de l'époque
avaient leurs pré-correcteurs intégrés pour palier le déficit en hautes fréquences induit par les micros à rubans.
Les progrès dans le domaine des micros à condensateurs ont par la suite permis à ces consoles avec pré-
correcteur, de nous offrir les sons si particuliers avec lesquels nous avons grandi. Puis sont nés les Telefunken
Neuman U47, les Km 53,54 et les U67 qui représentèrent à eux seuls de petites révolutions ; vint ensuite le
Sony C37, qui était une version meilleur marché que le U47 et qui donnait un son relativement plus doux puis
le fameux Telefunken ELM-251 et l'AKG C-12. Le son venait d'entrer dans l'ère de la haute-fidélité. Les
micros dynamiques ont vu le jour lors de cette transition. J'ai vu des micros dynamiques utilisés de façon peu
académique, sans réelle logique acoustique et pourtant ils fonctionnaient à merveille. Ils sont généralement
utilisés pour les voix en Live, les instruments amplifiés, les batteries et les percussions. Si les micros
dynamiques ne supportent pas la comparaison avec les micros à condensateur, les deux restent néanmoins
complémentaires. Prenez un Shure 56, 57 ou 58 par exemple, après avoir enfoncé des clous avec, il reprend
sans problème sa place parmi les instruments. Pour être convaincu, faites-le tournoyer au-dessus de la scène,
attrapez au passage le producteur du concert et les amplis guitare ; la violence des impacts aurait pu
l'endommager, il n'en est rien, il reste parfaitement opérationnel. Faites subir le même traitement à l'un de vos
micros à condensateurs à 40 000 francs, la différence est frappante...
L'arrivée de la haute fidélité provoqua un tel bouleversement, que les informations relatives à l'enregistrement
furent dès lors indiquées sur le dos de tous les albums. Ces mentions représentèrent à elles seules des sources
d'inspiration pour les techniciens. Lorsque j'ai su que Miles Davis utilisait un U47 installé à même sa
trompette, j'ai rêvé d'avoir un trompettiste sous la main pour en faire autant. Lorsque j'eus l'opportunité de le
faire et avec un U47 qui plus est, j'obtins exactement le même son, sans Miles Davis évidemment. Aujourd'hui
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